Passer à : Qu’entend-on par « transvestigation »? | Maintenir des normes sexistes dans le milieu du sport | Étude de cas : Imane Khelif | Comment prévenir et combattre
La transphobie et la misogynie sont étroitement liées, et bon nombre des personnes qui sont emportées par cette panique morale de la transphobie font du tort aux personnes qu’elles prétendent protéger.
Au nom de la « protection des femmes », cette croisade finit par accroître la surveillance, le contrôle et les limites du corps des femmes.
Un acte courant de surveillance qui se produit sous prétexte de « protéger les femmes » est ce qu’on appelle la « transvestigation ».

Qu’entend-on par « transvestigation » ?
La transvestigation (terme formé des mots transgenre + investigation) est l’enquête discriminante informelle visant à déterminer si une personne est secrètement transgenre (généralement présumée être une femme transgenre), généralement menée en analysant l’apparence et la structure anatomique de cette personne. L’aspect discriminatoire de ce comportement réside dans l’idée tout à fait fausse que les femmes trans et les personnes trans féminines sont en fait des hommes qui prétendent être des femmes pour obtenir un avantage quelconque.

La transvestigation est…

- un comportement de discrimination et d’exclusion explicite des personnes intersexes parce que leur corps ne correspond pas à des catégories binaires strictes

- transphobique parce qu’elle sert d’outil pour déterminer le caractère trans d’une personne et, par conséquent, utilise le caractère trans comme motif d’inadmissibilité ou d’invalidité

- raciste parce que la plupart des athlètes qui ont été interrogé·es sur leur admissibilité à la compétition étaient des femmes racialisées

- envahissante, car elle met souvent l’accent sur les organes génitaux et les antécédents médicaux d’une personne

- nuisible aux femmes que la transvestigation prétend protéger en imposant des normes sexistes et misogynes.
Comment la transphobie et la transvestigation maintiennent-elles les normes sexistes et misogynes dans le milieu du sport ?
Ce n’est un secret pour personne que les femmes sont encore confrontées à beaucoup de sexisme et de misogynie dans le milieu du sport. Il y a une vaste histoire d’exclusion, les femmes sont constamment sous-estimées, sous-financées et n’ont pas les mêmes espaces et les mêmes ressources que les hommes. En fait, ce n’est qu’en 2024 que les Jeux olympiques ont finalement atteint la parité hommes-femmes ; les Jeux olympiques de Paris de 2024 ont vu un nombre égal de femmes et d’hommes. Il est clair que le sexisme et la misogynie demeurent des obstacles importants contre lesquels il faut lutter.


Les athlètes masculins bénéficient souvent d’une reconnaissance illimitée de leurs prouesses athlétiques. Les hommes ne peuvent que s’améliorer, on les encourage à battre des records, à dépasser les limites précédentes. Si un homme surpasse largement ses concurrents, il est un champion, si une femme surpasse largement ses concurrentes et brise un plafond sexiste de réalisation, elle est souvent soumise à un examen minutieux et à une transvestigation fondés sur l’hypothèse que ses réalisations ne sont possibles que parce qu’elle est secrètement un homme.
Alors que les partisan·es de la transvestigation insistent sur le fait que la surveillance est nécessaire parce qu’elle protège les espaces de sport des femmes contre les hommes, le processus nuit souvent aux femmes en souscrivant à la croyance sexiste que seuls les hommes peuvent accéder à des réalisations sportives illimitées. Ce que l’on veut être un mécanisme de protection continue en fait d’utiliser des outils patriarcaux et perpétue donc un cycle de sexisme et de misogynie.

ÉTUDE DE CAS : Quatre leçons à tirer de ce qui est arrivé à Imane Khelif
Aux Jeux olympiques de Paris en 2024, Imane Khelif, une boxeuse d’Algérie, a été accusée d’être un homme après avoir vaincu une adversaire en 46 secondes.
1 – L’expression « femme biologique »
Il y a beaucoup de gens bien intentionnés qui tenaient à préciser qu’Imane n’est pas une personne trans. Dans ces messages, il y avait une répétition du fait qu’Imane est une femme « biologique », où le mot « biologique » remplace le mot « vraie ». Le fait de fonder sa validité en tant qu’athlète participant à la division féminine sur le fait qu’elle est une femme « biologique » et donc non trans implique donc que les femmes trans ne sont pas à la fois de vraies femmes et ne peuvent pas participer aux sports de la division féminine.
2 – Le terme « trans » utilisé comme une insulte
Dans un monde idéal, le fait de préciser avec véhémence qu’Imane n’est pas trans n’aurait aucun effet négatif, car le fait de se faire appeler trans ne serait pas une insulte. Cependant, en réalité, lorsque les gens accusent une athlète d’être trans, ils VEULENT insulter. Et en fin de compte, ce dont les personnes qui sont incitées par cette panique morale accusent Imane, ce N’EST PAS qu’elle soit trans, mais qu’elle est en fait un homme cisgenre qui prétend être une femme, et donc qui ne peut pas participer à la division des femmes.
3 – De l’empathie pour une situation injuste
Un commentaire avec plus d’un millier de mentions « J’aime » se lisait comme suit : « J’ai peine à imaginer à quel point ces derniers jours ont dû être déshumanisants pour cette femme ». Bien sûr, c’était une erreur flagrante et incitative, parce qu’Imane a dit qu’elle n’était pas trans, mais c’est dans cette rhétorique que l’on voit aussi comment le fait d’être considéré·e comme trans représente une expérience déshumanisante. Si une autre erreur avait été commise, disons si quelqu’un avait dit qu’elle avait 27 ans au lieu de 25, il n’aurait pas s’agit d’une expérience déshumanisante. Ce n’était que déshumanisant que d’être qualifié·e de trans parce que notre contexte social actuel ne considère toujours pas les personnes trans comme étant des êtres humains légitimes.

4 – « Ce n’est pas possible parce que c’est illégal là-bas. »
De nombreuses personnes ont également fourni des preuves supplémentaires du fait qu’Imane n’est pas une personne trans en affirmant qu’il est illégal d’être trans en Algérie. Il est vrai que, dans ce contexte, il aurait été peu probable qu’un tel pays envoie une athlète trans, mais n’oublions pas que la loi ne dicte pas l’existence de l’identité trans.
Comment pouvons-nous prévenir et combattre la transvestigation ?

N’HÉSITEZ PAS à réagir et à contrer la mésinformation dont les médias font état. Consultez cette ressource pour obtenir des conseils sur la façon d’avoir des conversations difficiles.

NE VOUS CONTENTEZ PAS de manifester votre appui au fait que la personne faisant l’objet d’une transvestigation est en fait une personne cisgenre. Votre soutien à une personne trans qui fait face à un traitement injuste et discriminatoire devrait être tout aussi passionné.

METTEZ À JOUR vos compétences linguistiques en matière d’inclusivité. Par exemple, le fait d’insister sur le fait qu’une personne est une « femme biologique » implique à la fois que le fait d’être une femme dépend de la biologie et que la biologie rend quelque chose plus vrai. En réalité, l’expression et l’identité de genre ne dépendent pas strictement de la biologie, et la biologie en elle-même est très diversifiée. Un terme plus précis pourrait être « assignée femme à la naissance », bien qu’il ne s’agisse pas d’une évaluation scientifique de loin, mais simplement de ce qui a été évalué visuellement par un·e professionnel·le de la santé à la naissance.

NE CONTRIBUEZ PAS à la déshumanisation des identités et des expériences des personnes trans. Bien qu’il puisse être difficile d’exister en tant que personne trans en raison des nombreux obstacles qui existent, il est difficile d’exister en raison de la présence de l’oppression (par exemple : transphobie, misogynie, sexisme, homophobie, cissexisme, etc.). Le fait d’être une personne trans ou d’être confondue comme étant une personne trans ne mérite pas nécessairement de pitié.

CROYEZ que les gens sont là où ils sont censés être, que ce soit dans une salle de bain genrée ou dans une division de compétition sportive. Vos craintes de voir des hommes prendre de l’espace avec des intentions malveillantes n’ont rien à voir avec les personnes trans, mais tout à voir avec des hommes déplorables.
Veuillez noter que cette ressource porte uniquement sur la façon dont la transvestigation ne protège pas les femmes. La transvestigation et l’appel à la vérification du sexe des athlètes intersexes ont des effets et des conséquences qui se chevauchent ; trop nombreux pour être inclus dans cette ressource. Pour en savoir plus sur les effets néfastes des règles sportives régissant les corps intersexes, voir cet article. On ne met pas non plus l’accent sur les athlètes trans-hommes et les athlètes trans-masculins parce que, selon la logique misogyniste de la transvestigation, les femmes qui prétendent être des hommes ne gagneraient pas un avantage athlétique. De même, l’admissibilité des athlètes non binaires dans le sport varie et mérite une autre ressource.

Cette ressource fait partie du travail d’Egale Canada visant à combattre la haine envers les personnes 2SLGBTQI. Utilisez le Centre d’action arc-en-ciel d’Egale pour accéder à plus de ressources et d’outils pour combattre la montée de la haine anti-2SLGBTQI.