Prochainement, vous aurez l’occasion de vous prononcer sur le projet de Loi C-16 : Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel. Comme vous le savez, ce projet de loi vise à protéger les personnes contre la discrimination dans les champs de compétence fédérale et contre la propagande haineuse, quand celles-ci mettent en cause l’identité ou l’expression de genre. Ainsi, il ajoute l’identité et l’expression de genre à la liste des motifs de distinction illicite prévus par la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la liste des caractéristiques des groupes identifiables auxquels le Code criminel confère une protection contre la propagande haineuse. Il prévoit également que les éléments de preuve, établissant qu’une infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur l’identité ou l’expression de genre, constituent une circonstance aggravante qu’un tribunal doit prendre en compte lorsqu’il détermine la peine à infliger.

En votant pour le projet de loi C-16, vous avez l’opportunité d’améliorer l’avenir et la condition des  personnes trans[1], qui sont reconnues comme appartenant à un des groupes les plus vulnérables, les plus discriminés et les plus à risque de subir des violences physiques. Les personnes trans sont aussi plus à risque de se suicider au Canada. Nous vous pressons donc d’agir en faveur de ces personnes qui demandent d’être traitées avec humanité et dignité.

Nous souhaitons ici prendre le temps de vous rappeler qu’il y a quelques décennies à peine, les gais et lesbiennes étaient considérés comme ayant un trouble mental que plusieurs experts tentaient de guérir en faisant appel à des méthodes de « conversion » qui sont aujourd’hui jugées non-éthiques; les gais et lesbiennes étaient aussi arrêté.e.s et battu.e.s par la police, congédié.e.s de leur travail sur la base de leur orientation ou encore emprisonné.e.s. Les groupes LGBT ont dû mener des luttes éreintantes, souvent au péril de leurs vies, afin d’obtenir l’égalité juridique et la reconnaissance sociale. Depuis le Bill Omnibus de 1969, jusqu’à l’adoption de la Loi C-38 légalisant le mariage entre conjoints de même sexe – d’ailleurs adopté par le Sénat – le Canada et de nombreuses provinces ont mis en place des lois protégeant les personnes LGBT ou leur accordant les mêmes des droits qu’aux personnes hétérosexuelles. D’ailleurs, le Québec a déjà fait l’ajout de l’identité de genre et de l’expression de genre comme motifs de non-discrimination dans la Charte québécoise des droits de la personne et des droits de la jeunesse en juin dernier, emboîtant le pas à plusieurs autres provinces canadiennes.

Malheureusement, il reste encore beaucoup à faire au niveau légal afin d’assurer la dignité et l’égalité de toutes et tous, ici même au Canada, sans compter tout le travail de transformation des mentalités afin d’enrayer les préjugées et les discriminations. Sous peu, vous aurez donc à voter à titre de sénatrices et sénateurs sur un enjeu de droit humain. En appuyant le projet de loi C-16, vous signifierez clairement que toutes et tous sont égaux et que toute Loi favorisant la discrimination, le rejet, la violence et l’exclusion d’individus ou de groupes ne serait pas la bienvenue au Canada.

De fait, votre vote devrait indiquer clairement votre engagement à défendre les valeurs de respect, d’équité, de justice, de solidarité et de démocratie du Canada. Vous réaffirmerez ainsi, sans équivoque, que tous.tes les citoyen.ne.s canadien.ne.s sont en droit de recevoir le même traitement et la même considération afin qu’ils puissent participer et s’intégrer pleinement à la vie sociale, culturelle, politique et économique de leur pays.

Nous souhaitons vivement que votre vote soit, une fois de plus, une inspiration pour de nombreuses sociétés à travers le monde. Nous souhaitons aussi que vous soyez à la hauteur de vos précurseur.e.s qui ont adopté le Bill Omnibus de 1969.

En espérant que vous porterez attention à cette lettre, veuillez agréer, Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, nos sentiments les plus respectueux.

Signataires de la présente lettre (ordre alphabétique – nom de famille)

Marie-Pier Boisvert | Directrice générale | Conseil québécois LGBT

Meryem Benslimane | Administratrice | Action LGBTQ+ avec les immigrantEs et réfugiéEs (AGIR)

Jessie Bordeleau | Présidente | Réseau des lesbiennes du Québec

Brian Carey | Coordonnateur | Association LGBT+ Baie-des-Chaleurs

Line Chamberland | Titulaire | Chaire de recherche sur l’homophobie de l’UQAM

Alexandre Dumont-Blais | Codirecteur | RÉZO, santé et mieux-être des hommes gais et bisexuels, cis et trans

Marie-Aimée Fortin-Picard | Directrice générale | Coalition d’aide à la diversité sexuelle de l’Abitibi-Témiscamingue

Steve Foster | Président-directeur général | Chambre de commerce LGBT du Québec

Mona Greenbaum | Directrice générale | Coalition des familles LGBT

Marie Houzeau | Directrice générale | GRIS Montréal

Helen Kennedy | Directrice générale | Egale Canada Human Rights Trust

Claude Leblond | Président | Fondation Émergence

Audrey Mantha | Coordonnatrice | Centre de solidarité lesbienne

James McKye | Coordonnateur | Action santé travesti.e.s et transsexuel.le.s du Québec (ASTTeQ)

Gabriel Mujimbere | Administrateur | Arc-en-ciel d’Afrique

Éric Pineault | Président | Fierté Montréal

Annie Pullen Sansfaçon | Présidente par intérim | Enfants transgenres Canada

Martine Roy | Présidente | Fierté au travail, Section Québec

Christian Tanguay | Directeur général | Centre communautaire LGBTQ+ de Montréal

Louis-Filip Tremblay | Directeur général | Alliance Arc-en-ciel de Québec

Pascal Vaillancourt | Directeur général | Gai Écoute

[1] Nous tenons à souligner que les situations de violence sont fréquemment vécues par les femmes trans racisées, qui sont reconnues comme étant particulièrement vulnérables.